Le 7 mai 2024, le Tribunal administratif fédéral a considéré dans l’arrêt B-4934/2023 que le mot “Bimbo” contrevenait à l’ordre public et, à ce titre, ne pouvait être enregistrer comme marque en tant qu’il contrevient à l’art. 2 lit. d LPM.
Si l’arrêt fait l’objet d’un recours pendant au Tribunal fédéral, il constitue un bon rappel des points dont il convient de tenir compte lors de la mise en oeuvre de l’art. 2 lit. d LPM, à savoir:
- Il convient de se baser sur la minorité principalement touchée, tout en se demandant si sa perception correspond à celle de la population suisse de manière plus large.
- On prendra en considération le point de vue raisonnable de cette minorité, sans s’attacher aux extrêmes aux sensibilités exacerbées.
- Peu importe la finalité pour laquelle la marque doit être utilisée et la manière dont elle sera utilisée sur le marché.
- Il suffit que le signe apparaisse contraire à l’ordre public en une langue nationale (en l’espèce en allemand où le terme “Bimbo” est offensant pour les personnes de couleur foncée).
- Le signe peut être contraire à l’ordre public soit dans l’absolu, soit au regard des produits ou services en relation avec lesquels il doit être enregistré (examen concret).
- Les cas limites ne doivent être pas être admis à l’enregistrement, étant précisé qu’on appréciera de manière plus restrictive qu’à l’art. 2 lit. a LPM le fait qu’une adjonction soit susceptible d’écarter cette contrariété. Ainsi l’adjonction de l’acronyme “QSR” à l’élément “Bimbo” ne permet-il pas d’écarter la contrariété à l’art. 2 lit. d LPM.
- Le fait que d’autres marques comportant le terme “Bimbo” aient été enregistrées par le passé ne doit pas nécessairement conduire à rejeter l’application de l’art. 2 lit. d LPM au cas d’espèce. Cela est d’autant plus vrai que la perception qu’à une communauté d’un terme peut évoluer avec le temps; or, en l’espèce, le dernier enregistrement en date remonte à 2014, date depuis laquelle les sensibilités se sont accrues.
En soi, l’argumentation du Tribunal administratif fédéral est conforme à ce que l’on peut attendre. N’en demeure pas moins problématique le fait qu’elle est susceptible de remettre en cause la stratégie d’un titulaire qui a recouru à un terme comme “Bimbo”, acceptable à une époque, pour le décliner en différentes versions au fil des ans sous forme de marques de série, et se voir tout à coup informer du fait que son signe contrevient désormais à l’ordre public.
Un tel résultat n’est à mon sens pas souhaitable. L’évolution donnée à un terme ne devrait pas conduire, sauf cas tout à fait exceptionnel, à devoir remettre en cause une stratégie jugée acceptable et déployée au fil des ans. Il reste à voir ce qu’en pensera le Tribunal fédéral.