Artificial Intelligence

Réglementation suisse de l’IA 2025 : Le pragmatisme prévaut

Le 12 février 2025, le Conseil fédéral suisse a publié sa communication très attendue sur la réglementation de l’intelligence artificielle (IA) en Suisse. Cette décision repose sur un rapport de l’Office fédéral de la communication (OFCOM), qui expose les cadres potentiels de conformité à l’IA et l’approche du pays en matière de gouvernance de l’IA.

Documentation de soutien

Le rapport de l’OFCOM sur l’IA s’appuie sur trois études fondamentales :

  1. Analyse des cadres réglementaires de l’IA dans 20 pays, évaluant les approches mondiales en matière de gouvernance de l’IA, notamment :
    • Modèles basés sur les risques (Brésil, Canada, Corée du Sud), inspirés du Règlement européen sur l’IA (EU AI Act).
    • Approches de régulation souple (Israël, Japon, Singapour) favorisant l’innovation en IA.
    • Réglementations sectorielles vs. horizontales, évaluant l’application des règles de l’IA aux secteurs privé et public.
    À noter que le rapport a été rédigé avant les récents changements de politique aux États-Unis (révocation du décret de Biden) et dans l’UE (assouplissement annoncé lors du Sommet de Paris sur l’IA).
  2. Évaluation de l’impact sectoriel, intégrant les perspectives de 41 offices réglementaires suisses dans les domaines de la finance, de la santé, des transports et de la sécurité publique. Principales préoccupations :
    • Transparence des systèmes d’IA
    • Gestion des risques liés à l’IA
    • Conformité à la protection des données
    • Prévention de la discrimination dans les applications IA
    Le secteur financier suisse, par exemple, est influencé par les directives de FINMA sur l’IA (décembre 2024) et par le travail actuel du Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI), visant à établir un cadre juridique sécurisé pour l’IA dans la finance.
  3. Analyse de conformité juridique, évaluant l’alignement de la Suisse avec la Convention sur l’IA du Conseil de l’Europe et le Règlement européen sur l’IA. L’étude conclut que, bien que les lois suisses sur l’IA couvrent plusieurs cadres existants, des ajustements législatifs significatifs seraient nécessaires pour maintenir la compatibilité réglementaire avec l’EU AI Act si cette voie devait être choisie.

Approches réglementaires envisagées pour l’IA en Suisse

La stratégie suisse en matière de réglementation de l’IA repose sur les piliers suivants :

  • Favoriser l’innovation en IA, tout en garantissant une flexibilité du marché.
  • Respecter les droits fondamentaux, notamment la protection des données et la transparence.
  • Adopter une réglementation neutre sur le plan technologique, avec des exceptions si nécessaire.
  • Minimiser l’intervention réglementaire, afin d’améliorer l’efficacité du marché.

Le rapport identifie trois approches possibles :

  1. Approche sectorielle : Chaque secteur gère la conformité à l’IA avec un contrôle fédéral limité. Cette flexibilité comporte le risque d’engendrer des incohérences réglementaires.
  2. Ratification de la Convention sur l’IA du Conseil de l’Europe, avec deux options :
    • Mise en œuvre minimale (focalisée sur le secteur public).
    • Mise en œuvre élargie (étendant les obligations au secteur privé).
  3. Alignement total sur l’EU AI Act, nécessitant une adaptation législative majeure et l’intégration des réglementations IA dans l’Accord de reconnaissance mutuelle (ARM) Suisse-UE, afin d’éviter des barrières commerciales.

Décision du Conseil fédéral suisse sur la conformité à l’IA

Le Conseil fédéral suisse a opté pour la ratification de la Convention sur l’IA du Conseil de l’Europe, en mettant l’accent sur la gouvernance de l’IA dans le secteur public. Principales mesures :

  • Réglementation transversale limitée aux domaines où les droits fondamentaux sont en jeu, notamment en matière de protection des données.
  • Mises à jour réglementaires spécifiques aux secteurs concernés uniquement là où cela s’avère nécessaire, afin d’éviter une charge excessive pour les entreprises privées.
  • Mesures de gouvernance non contraignantes, telles que l’autorégulation et les normes industrielles.

Implications pour les entreprises suisses du secteur IA

Les entreprises suisses impliquées dans le développement de l’IA doivent anticiper les impacts suivants :

  1. Réglementation plus légère pour les entreprises privées – Contrairement au Règlement européen sur l’IA, la Suisse applique des règles plus strictes au secteur public, réduisant ainsi les contraintes pour les entreprises technologiques.
  2. Opportunités d’autorégulation – Le Conseil fédéral favorise une réglementation non contraignante, permettant aux entreprises suisses de contribuer à l’élaboration des bonnes pratiques sectorielles.
  3. Accès au marché de l’UE – Les entreprises suisses ciblant le marché européen doivent toujours se préparer à la conformité extraterritoriale avec le Règlement européen sur l’IA.
  4. Surveillance sectorielle – Les secteurs finance, santé et transports doivent anticiper des normes de conformité IA plus strictes.
  5. Transparence et éthique dans l’IA – Même avec une approche réglementaire plus souple, les entreprises doivent intégrer des principes de transparence, de non-discrimination et de protection des données.
  6. Avantage concurrentiel – La réglementation équilibrée de la Suisse offre un environnement favorable à l’innovation, tout en maintenant une confiance dans les systèmes d’IA.

Conclusion : L’avenir de la réglementation IA en Suisse

En adoptant une approche pragmatique de la réglementation de l’IA, la Suisse garantit un équilibre entre innovation et conformité juridique. Alors que l’évolution mondiale de la gouvernance de l’IA se poursuit, les entreprises doivent anticiper les exigences en matière de gestion des risques liés à l’IA pour préserver leur accès aux marchés et leur sécurité juridique.

Les prochaines étapes réglementaires incluent l’élaboration d’un projet de loi sur l’IA d’ici 2026, axé sur la transparence, l’évaluation des risques et la supervision légale.

Les entreprises suisses sont invitées à participer activement à la définition des politiques en matière d’IA, afin de renforcer leur position sur les marchés suisse et européen de l’IA.

Pour celles et ceux qu’une analyse plus poussée de ce rapport et documents intéresse, voir notre analyse publiée sur notre blog BMG Avocats, disponible ici.