Le 27 mars 2025, le Tribunal fédéral suisse a rendu un arrêt majeur en droit des marques, relatif à la possibilité – ou plutôt à l’impossibilité – d’enregistrer un motif graphique comme marque en Suisse. Cette décision intéressera tout particulièrement les entreprises actives dans les secteurs du design, de la mode, ou du textile, ainsi que les professionnels du droit de la propriété intellectuelle.
I. Faits
La recourante avait déposé un motif répétitif à titre de marque (reproduit ci-dessous), en plusieurs classes, notamment les classes 9, 14, 16, 18 et 25. Si certaines désignations avaient été acceptées, une grande partie avait été refusée par l’IPI (Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle), au motif que le motif appartenait au domaine public selon l’art. 2 lit. a Loi sur la protection des marques (LPM).

En soutien à son recours, la société invoquait qu’elle disposait déjà d’une marque enregistrée en Suisse pour un élément isolé (une fleur stylisée reproduite ci-dessous). Elle estimait que la répétition de cet élément sous forme de tapisserie graphique ne justifiait pas un refus.

II. Analyse juridique
Le Tribunal fédéral rejette cet argument. Il rappelle qu’un élément, même distinctif à l’état isolé, peut perdre sa force distinctive une fois démultiplié. Ce n’est qu’à la condition que le motif répété se distingue suffisamment de l’usage commun dans le secteur concerné qu’il pourra être protégé en tant que signe distinctif.
En l’espèce, la multiplication en petit format des fleurs donne une impression globale décorative, évoquant des vagues ou des lignes, sans caractère marquant. Le motif ne sera donc pas perçu par le public pertinent comme une marque d’identification commerciale.
III. Enseignements pratiques
Cet arrêt est riche d’enseignements, notamment pour les entreprises suisses et internationales qui exploitent des éléments visuels répétitifs à des fins commerciales. Il rappelle les points suivants :
- Un élément graphique enregistré isolément ne garantit pas que sa répétition puisse également être protégée.
- Un motif est souvent perçu comme un simple ornement décoratif, sans valeur distinctive, sauf à démontrer une individualité marquée.
- L’enregistrement d’un motif comme marque exige une analyse fine, tenant compte : (i) des attentes du public dans le secteur économique concerné ; (ii) de la distinction par rapport à l’usage courant ; (iii) de l’éventuelle nécessité d’ajouter des éléments verbaux ou effets graphiques pour accroître sa distinctivité.
- En droit suisse, la stratégie de protection des marques doit intégrer cette distinction entre signe distinctif et décor graphique.
Les entreprises souhaitant protéger un motif visuel comme marque en Suisse doivent anticiper une exigence élevée de caractère distinctif. L’arrêt du Tribunal fédéral suisse constitue un jalon jurisprudentiel important à cet égard.
À propos de l’auteur
Me Philippe Gilliéron est avocat à Genève au sein du bureau BMG Avocats (www.bmglaw.ch), spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, en particulier dans les domaines des marques, designs, brevets et droits d’auteur. Il conseille des entreprises suisses et internationales dans leurs stratégies de protection des actifs immatériels et représente ses clients devant les juridictions suisses ainsi que l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI).
Pour toute question liée à l’enregistrement d’un motif comme marque en Suisse, contactez Me Philippe Gilliéron, avocat en propriété intellectuelle à Genève à l’adresse suivante: philippe.gillieron@bmglaw.ch.